L’envers du décor
Prix Oscar-Mercure, Exposition - Galerie & bureaux
” L’histoire de ma recherche artistique débute avec une fascination pour le vivant, peut-être plus particulièrement pour l’animal, et avec la rencontre d’une technique qui m’est apparue comme un médium potentiel en vue de la création artistique : la taxidermie.
Il y a environ huit ans, un poulet de Bresse nous avait été offert à l’occasion d’un repas de famille. Avant de le mettre au four, je pris soin de retirer ses pattes et sa tête majestueusement ornée de plumes blanches et d’une grande crête rouge. Je les mis avec regret aux ordures, faute de savoir les conserver. Je vis le regard de cet animal pris dans l’obscurité et la puanteur des déchets, comme s’il en était. Destin funeste d’un être-objet inconsidéré. Quelques années plus tard, en 2018, j’ai commencé mon apprentissage de la taxidermie.
L’envers du décor regroupe les projets artistiques réalisés les deux dernières années au sein d’une installation. Chaque projet est issu de la trouvaille fortuite d’un animal décédé et recueilli : point de départ des histoires de création. Dans certains cas, ce sont les différentes étapes du processus de fabrication de l’animal taxidermisé qui font œuvre : l’envers de la peau, la technique vue de l’intérieur. Dans d’autres, les animaux-objets deviennent les supports d’histoires poétiques et réflexives qui nous invitent à la contemplation tout en soulevant des questions éthiques et sociétales. Si la présence de ces animaux-objets peut être une occasion de remettre en perspective notre relation à la mort, elle est avant tout une manifestation tangible et charnelle qui tente d’établir une connexion avec le vivant. À partir de ces corps accidentés et délaissés, les re-présentations s’enchevêtrent les unes aux autres ; entre taxidermie, peinture, dessin et céramique, des liens se tissent avec le réel, le symbolique, l’imaginaire, l’art et l’existence. Ainsi, l’installation-exposition convoque les esthétiques de la muséographie et de l’atelier d’artiste, du cabinet de curiosités et du diorama. ”
Mathilde Demoli
Mathilde Demoli
Artiste
Démarche artistique :
Le processus de création est au centre de la démarche artistique de Mathilde Demoli qui, depuis quatre ans, explore les procédés de la taxidermie. Inspirée par l’esthétique des cabinets de curiosité et des musées d’histoire naturelle, elle s’interroge sur les origines de la taxidermie, ses usages et la manière d’intégrer cette discipline à une réflexion artistique. Si cette technique est utilisée par de nombreux artistes comme médium plastique, Mathilde Demoli l’emploie aussi en tant que sujet de (la) représentation. C’est pourquoi elle s’intéresse tout autant aux animaux taxidermisés, ceux qu’elle fabrique et ceux déjà existants, qu’à leur protocole de fabrication : un générateur de formes et de motifs transposables dans le dessin, la peinture ou la céramique. Elle récupère les morts sur les routes, sous les fenêtres, dans les jardins ; rencontre et raconte leur corps et les transforme en objets ̶ des objets à entretenir, à collectionner et à mettre en scène. Par le biais de la taxidermie, l’artiste enrichit ses connaissances sur le vivant, ce qui l’a aussi amenée à réfléchir autrement le montage d’une exposition. En effet, la mise en espace est pensée comme la création d’un milieu, où les choses sont interconnectées et communiquent ensemble, à la manière d’un écosystème.
Biographie :
En 2020, Mathilde Demoli a obtenu un Master de recherche et création en arts plastiques (Université Jean-Monnet, Saint-Étienne, France). En parallèle de son parcours universitaire, elle a suivi un apprentissage en taxidermie avec l’artisan Éric Legendre (Chevenoz, France). L’artiste a ensuite décidé de poursuivre ses études en arts visuels à l’Université Laval. En avril 2022, elle a participé au Lab 3 de la Galerie des arts visuels (Québec). Elle s’est aussi jointe à l’exposition collective Peinture fraiche et nouvelle construction à Art Mûr (Montréal) en juillet 2022. En collaboration avec Vénetia (possiblement artiste) elle a réalisé en février 2023 l’exposition Attention arsenic ! L’exposition la plus dangereuse au monde, au pavillon Alphonse-Desjardins (Québec), grâce à la participation des collections de la Bibliothèque de l’Université Laval. Mathilde Demoli a aussi collaboré avec le département de biologie afin de revaloriser la collection en ornithologie. Son projet En éveil a alors été présenté au pavillon Alexandre-Vachon en avril 2023, notamment dans le cadre de l’exposition collective Naturfact (Québec), dirigée par Geneviève Chevalier. Lors de cet évènement, l’artiste a également présenté l’installation La vie des objets dans une des vitrines du pavillon Louis-Jacques-Casault (Québec). L’envers du décor est la première exposition solo de l’artiste.