Maxime Contré
Résidence - L’Autre Gare
Mot de l’artiste
La thématique de la programmation 2025, Lapsus de survie, a trouvé un écho profond en moi, résonnant avec mon parcours artistique. À mes yeux, Lapsus de survie célèbre l’imprévu, l’erreur fertile et la beauté de l’imparfait comme une échappatoire à l’ordinaire et un moyen d’embrasser la complexité du monde. C’est une ode à la création comme moyen de survie, au détournement, à la marge et à l’inattendu.
Ayant quitté ma ville natale et mon travail d’enseignant, où il était difficile de pleinement m’épanouir, les arts visuels se sont imposés à moi comme une révélation, une bouée de sauvetage, un rêve enfin accessible, jadis inconcevable. Puis, l’atelier est arrivé, et tout s’est concrétisé. Ce lieu m’a entraîné dans un tourbillon créatif, une aventure qui m’a appelé plus fort que tout. J’y ai trouvé mon espace de survie : ma menuiserie recyclée sur la rue Sainte-Germain est devenue le coeur de mon univers.
Le lapsus de survie représente donc cette brèche dans le quotidien figé, une porte accidentelle vers l’inattendu et le non-conformisme, une manière de s’affranchir des cadres rigides qui limitent notre regard et notre être. Dans ma pratique, je suis dans un moment précieux où je laisse principalement mon inconscient s’exprimer, offrant un espace à l’erreur — l’erreur qui arrive naturellement lors de la création, celle qui mène à la recherche de solutions. Composer avec le geste naturel de l’imprévu me nourrit et me fait me sentir vivant et humain. Je ne vois pas « l’erreur » comme une fin en soi, mais comme une porte d’entrée vers un monde de possibilités infinies. Créer en toute liberté est pour moi indissociable de l’accident, de l’imprévu, car cela ouvre des horizons insoupçonnés au coeur du processus artistique.
Description du projet
Avec ce projet, j’aimerais approfondir mon exploration du collage en intégrant le public au coeur de ma démarche. À partir d’une banque de 500 images issues de divers livres recyclés, je souhaite dialoguer et échanger avec les volontaires pour sélectionner les images de référence qui seront utilisées tout au long de la résidence pour la réalisation de trois collages (72 x 48 po). Si l’environnement le permet, j’aimerais également inviter le public à participer à la découpe des images, rendant ainsi l’expérience encore plus immersive et collaborative. Cette résidence représente une occasion unique de dynamiser ma pratique tout en créant une oeuvre collective où le public joue un rôle actif. Avec l’aide des volontaires, je souhaite fusionner des images apparemment dissonantes, juxtaposer textures, couleurs et formes pour créer des collages qui surprennent, interpellent et ouvrent de nouvelles perspectives, tissant des liens inattendus entre le visuel et le narratif. Je suis convaincu que ma démarche apporte un regard nouveau sur le collage, non pas comme une discipline en soi, mais comme un prolongement naturel de ma pratique picturale. Cette opportunité me permettrait d’affirmer davantage la dimension multidisciplinaire de mon travail. Bien que je sois avant tout peintre, j’explore le dialogue entre mes formes en deux dimensions et mes formes physiques et manipulables, créées à partir de retailles ou de photographies recyclées.
Pour moi, le collage est un moyen d’établir des connexions entre des éléments qui, à première vue, semblent dissociés, afin de les faire interagir pour créer une nouvelle réalité. Ces nouvelles combinaisons visent à susciter la réflexion. Je souhaite créer des oeuvres qui captent l’attention, invitant le spectateur à s’arrêter, à observer et à se laisser toucher par la richesse des détails et par une nouvelle approche du collage. Ma motivation envers cette résidence est animée par une soif de redonner vie aux objets oubliés, notamment aux livres de photographies. Dans ma démarche artistique, j’aime dénicher différentes images issues d’ouvrages trouvés en friperie à Québec, où mes découvertes deviennent souvent une source d’inspiration majeure. Parmi cette collection, on retrouve des livres sur l’art précolombien, l’époque du Far West, un atlas, un ouvrage d’anatomie, une synthèse sur Renoir, Manet et Chagall, un livre intitulé L’Homme et son monde, ainsi qu’un remarquable ouvrage sur Paul-Émile Borduas. Intégrer ces fragments du passé à mon processus créatif me permet d’instaurer un dialogue entre ces images d’époques révolues et mon univers artistique.
Afin d’amplifier cette dimension participative, j’aimerais également inviter le public à apporter ses propres images récupérées, leur offrant ainsi un espace pour partager leur histoire et leur vision à travers une oeuvre collaborative. À travers ces échanges, j’espère transmettre à d’autres l’intérêt pour la récupération d’images ou d’objets comme moteur de création. Le collage, pour moi, est un moyen de donner une seconde vie à des fragments du réel, de les assembler pour créer une nouvelle unité. Il incarne cette recherche de survie dans un monde qui, parfois, semble se disloquer. Prendre des éléments disparates et oubliés pour les recomposer tout en laissant de l’espace à l’imprévu devient un acte de reconstruction, une manière de transformer ce qui est brisé en quelque chose de fort et signifiant.

Maxime Contré
Artiste